Un paradis trompeur de Henning Mankell

Hanna Renström est une pauvre paysanne suédoise qui ne connaît que la misère et la neige avant de s’embarquer sur un vapeur pour l’Australie, en avril 1904, alors qu’elle vient de fêter ses dix-huit ans. Par une série de déboires, elle débarque au Mozambique, épouse un tenancier d’un genre et un peu particulier et par un hasard assez singulier devient elle-même la propriétaire de ce bordel, le plus grand et le plus prospère de la colonie. C’est l’histoire, d’une fille un  peu cruche qui sachant à peine lire et écrire, ne connaissant qu’un petit bout du monde, se retrouve au coeur de l’Histoire et à la tête d’une immense fortune.

On a souvent l’impression d’observer une souris incapable de comprendre que la porte de sa cage est ouverte; la liberté à portée de main. C’est une des grandes forces de ce récit, Mankell campe une héroïne crédible dans sa candeur, sa bêtise, son esprit étriqué et malgré tout sa grande humanité. couv5361432

Plus qu’un livre historique, il s’agit d’une histoire sur le libre-arbitre soudain alors qu’on a jamais eu le choix; c’est l’histoire d’une quête de soi à travers l’autre; c’est l’histoire de l’esclavage mais surtout de l’humiliation des hommes. Le Blanc s’enfermant dans sa peur crasse, sa bestialité refaisant surface et le Noir qu’on voudrait déchoir de son humanité faisant le dos rond attendant que l’enfer se passe.

Hanna nous offre une magnifique réflexion sur la condition des noirs et des pauvres en Europe à la même époque mais aussi sur le paraître et le devoir moral afin de rester civilisé.

La plume saisissante de Mankell vous happe et ne vous laisse pas indemne. A travers la solitude d’une petite suédoise, il dresse un portrait crue d’une époque coloniale qu’on voudrait à jamais révolue.

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